La Maison des Artistes menacée de disparaître par un projet de réforme sociale
Une nouvelle réforme vise à modifier le statut social des artistes : supprimer l’actuelle structuration du régime social des artistes auteurs, « La Maison des Artistes » ou La MdA et l’intégrer totalement par une caisse anonyme des artistes au sein du régime général de sécurité sociale. Une réelle menace pour le statut des artistes selon le président de l’association de la Maison des Artistes Rémy Aron (à gauche de l’image) et le vice-président Jean-Marc Bourgeois (à droite).
Rencontre au sein du siège de l’association de la Maison des Artistes dans le 8ème arrondissement de Paris.
Présentez-nous La Maison des Artistes en quelques mots…
Remy Aron / Jean-Marc Bourgeois : La MdA est une association de loi 1901 qui date de l’après-guerre des années 50. Elle a été agréée en 1975 par le ministère de la culture pour s’occuper d’un régime de sécurité sociale spécifique aux artistes. C’est une seule structure mais elle a 2 missions principales : une partie associative pour aider les artistes dans leur démarche (comptabilité, juridique, centre d’information…) ; une partie administrative pour gérer la sécurité sociale des artistes rattaché au régime générale des salariés. Les artistes des arts plastiques et graphiques paient une cotisation obligatoire (environ 16%) sur la vente de leur(s) oeuvre(s) afin de prétendre à une couverture sociale. Ils peuvent adhérer aussi s’ils le veulent à l’association.
La MdA compte plus de 55 000 artistes cotisants dont 20 000 pour l’association. La MdA reste excédentaire, elle rapporte plus qu’elle ne coute en cotisations sociales ou en celles de ces adhérents. On peut dire qu’elle « s’autogère », elle ne coûte rien à la solidarité nationale, elle ne reçoit aucune subvention publique aussi bien niveau associatif qu’administratif.
Si cette réforme de centralisation vise à faire des économies, en quoi vous concerne-telle alors si vous êtes excédentaire ?
Remy Aron : Pour créer cette caisse anonyme qui sera entièrement intégrée au régime général de sécurité sociale, le ministère des affaires sociales veut entre-autre réunir l’Agessa (régime de sécurité sociale pour les écrivains, musiciens, chorégraphes, photographes) et La MdA. Il veut mutualiser le personnel alors qu’on est déjà en manque de personnel spécialisé. Je crois que c’est un désir de l’administration générale et des ministères qui n’aiment pas ce qu’il leur semble original [dans la structure de La MdA].
Jean-Marc Bourgeois : Il y a une tendance à vouloir lisser les choses, en prévision de quoi on ne sait pas. Peut-être le désir d’une sécurité sociale centralisée et européenne. Tout cela nous a été présenté comme une évolution mais au contraire les artistes risquent d’y perdre…
Quelles sont les vraies menaces qui pèsent sur la MdA ?
Remy Aron : On va être collectivement marginalisé. Le poids de La MdA face aux grosses structures de l’édition et de la musique font faire que les marchands, c’est-à-dire les diffuseurs et les artistes graphistes et plasticiens vont être complètement marginalisés par rapports aux problèmes financiers. La MdA risque aussi de disparaître. La MdA permet cette relation d’interférence continuelle entre le cadre associatif et le régime de sécurité sociale des artistes auteurs. C’est la dernière structure forte des artistes. Comme un lobby. Les artistes vont se sentir moins concernés, exclus, oubliés.
Jean-Marc Bourgeois : La seule reconnaissance professionnelle que nous avons dans notre activité est ce régime d’artistes auteurs. Nous ne sommes pas contre une évolution. Mais qu’on évolue réellement. Quelque chose qui nous manque vraiment dans ce régime est la protection contre la maladie professionnelle et les accidents du travail. On n’y aura pas droit avec cette nouvelle réforme de toutes les manières. La MdA est une veille, un vrai soutien pour les artistes professionnels. On est un électron libre, une force indépendante avec une gestion comptable solide et des moyens informatiques de pointe. Mais on sent qu’on gêne, qu’on dérange…
Vous créez donc des jalousies, y’aurait-il pas aussi une guerre de pouvoir là-dessous ?
Remy Aron : Ce projet est intervenu juste après l’élection du président François Hollande, probablement téléguidé par une partie de la cause et puis aussi de certains syndicats. Ces derniers sont globalement contre nous et aimeraient bien mettre sur la main sur nos adhérents ainsi que sur la caisse de sécurité sociale pour des raisons de pouvoir syndical.
Jean-Marc Bourgeois : Soyons clair, aujourd’hui si on reprend le paysage, la majorité des organisations syndicales et professionnelles au niveau des artistes graphiques et plastiques, sont plus ou moins contre l’adhésion des artistes, tel quel est avec son agrément pour gérer la sécurité sociale et ne reconnaissent pas La MdA en tant que siège social comme tel. C’est juste une question de pouvoir.
Remy Aron : Les syndicats des artistes n’ont qu’une centaine d’adhérents contre 20 000 pour nous pour l’Asso. Ça crée forcement de la jalousie. (rires) C’est le désir aussi de la structure-même syndicale qui a envie d’une caisse d’indépendance pour organiser la sécurité sociale. Pour mettre la main dessus. Ils veulent reprendre les schémas types des syndicats nationaux : les caisses de sécurité sociale sont gérées par le conseil d’administration via les syndicats.
Jean-Marc Bourgeois : Si on défend l’agrément que possède La MdA, c’est pour rester justement dans le service et la solidarité pour les artistes.
Vos actions contre ce projet de réforme ?
Remy Aron : On n’arrête pas. Le lobbying est complet. J’ai vu plusieurs fois le conseiller du président de la république, le ministère de la culture, les services du premier ministre, son conseiller pour la culture… pour leur faire comprendre que tout ceci est absurde.
Jean-Marc Bourgeois : C’est dommage que les organisations syndicales et l’association La MdA n’arrivent pas à se mettre d’accord autour d’une table. On pourrait être une force. Depuis des années il y a des querelles qui font le jeu des ministères, des administrations. On devrait être là tous ensemble, en gardant respectivement nos idées, au sein de La MdA pour faire avancer les choses : voilà ce qu’on décide, voilà ce qu’on veut. On aurait certainement beaucoup plus de poids, de force. Il y a des querelles qui n’auraient plus lieu d’être. Les artistes-auteurs ont déjà assez à faire avec leurs difficultés. Il a mieux à faire que de se tirer dans les pattes. A un moment donné, il faut dire stop.
Quelles sont les « vraies » réformes à apporter ?
Jean-Marc Bourgeois : Préserver notre agrément pour continuer la solidarité, le service, le combat des artistes auteurs par rapport à ce que nous pouvons demander dans la mesure du possible lors de nos échanges avec les pouvoirs publics et l’administration. Tous se réunir autour d’une table, syndicats et La MdA pour mieux faire avancer la cause des artistes.
Remy Aron : Bien sûr il faut garder La MdA tel quelle est. Nous possédons l’une des structures de sécurité sociale pour les artistes-auteurs les plus avancée d’Europe.
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